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Haitian Crisis - Trudeau

Haïti-Canada : La meilleure solution à la crise Haïtienne sera générationnelle et impopulaire

La déclaration du Premier ministre canadien Justin Trudeau sur Haïti a montré une compréhension plus mûre de la crise haïtienne depuis que le Canada a pris la tête du Core Group (composé des Ambassadeurs d’Allemagne, du Brésil, du Canada, d’Espagne, des États-Unis d’Amérique, de France, de l’Union européenne, du représentant spécial de l’OEA et de la représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies) impliqué dans les affaires politiques haïtiennes. Le Premier ministre Trudeau, qui s’est ouvertement attaqué aux membres influents de l’élite haïtienne pour leur contribution au chaos haïtien, a démontré un ferme soutien aux sanctions canadiennes imposées aux personnalités controversées de l’élite. Les déclarations de Trudeau deviennent diplomatiquement plus remarquables et politiquement correctes, car il reconnaît que la meilleure solution devrait venir du peuple haïtien.

Cependant, il serait ironiquement naïf pour le peuple haïtien ou tout observateur impartial de s’attendre à ce que la meilleure solution émerge d’une génération d’élites corrompues et immorales qui ont laissé tomber Haïti avec leurs comportements contraires à l’éthique et leurs actions criminelles. Les propositions actuelles sur la table semblent être un jeu machiavélique et manipulateur visant à recycler le même groupe d’affairistes, de politiciens professionnels et de marionnettes à gages par les élites sanctionnées pour poursuivre le programme diabolique de protection des maîtres du système et perpétuer le statu quo. Comme on dit, on ne peut pas apprendre de nouveaux tours à un vieux chien.

Pas plus tard que cette semaine, un média haïtien, la radio Télé Métronome, a rapporté une histoire choquante sur l’institution des magistrats haïtiens exposant le plus grand scandale politique haïtien depuis 1986. Ce rapport confirme que l’île n’est pas seulement un État défaillant, mais aussi une démocratie mort-née où un système oligarchique a ingénieusement mis en place depuis la chute du régime de Duvalier en février 1986 pour protéger le règne de l’impunité. Les élites politiques et commerciales d’Haïti ont tacitement et malicieusement mis en place un système judiciaire corrompu se garantissant l’impunité. Leur contrôle sur le système judiciaire a transformé cette branche du gouvernement en un instrument de dérision et de profanation contre les principes d’ordre public plaçant les criminels au-dessus de la loi. Et depuis 37 ans de démocratie, aucun dirigeant, président, Premier ministre ou parlementaire haïtien n’a même tenté de réformer le système judiciaire.

En outre, selon ce rapport choquant, les hauts magistrats qui dirigent les tribunaux n’ont pas la formation adéquate, l’autorité morale ou la certification de la plus haute instance judiciaire (CSPJ) pour s’acquitter de leurs fonctions avec éthique ou compétence. Pour la première fois dans l’histoire, le CSPJ a réprimandé 30 juges pour « manque d’intégrité morale, abus d’autorité, ivresse, facilitation de la libération de criminels notoires et qualifications académiques insuffisantes. Ce scandale illustre à quel point l’élite politique a domestiqué le pouvoir judiciaire, qui aurait dû être un pouvoir indépendant opérant selon les normes éthiques les plus élevées. Néanmoins, des juges incompétents et corrompus ont intégré le système sans passer par un processus de vérification approprié. Pendant des décennies, la plus haute instance judiciaire d’Haïti a été un terreau fertile pour la corruption. Les criminels en col blanc, les trafiquants de drogue, les politiciens corrompus et les oligarques ont imposé leurs normes par le biais de leurs juges recommandés et nommés sans que personne n’ose soulever la dissidence.

Le leadership du Premier ministre Trudeau gagne sans aucun doute en maturité. Une approche plus attentive et pragmatique peut découler de sa profonde compréhension de la crise haïtienne. Aussi, les récentes déclarations de l’ambassadeur Bob Rae, représentant du Canada aux Nations Unies, suggèrent que le Canada ne répétera pas les erreurs du passé et cela sera considéré comme un tournant dans la politique canadienne envers Haïti qui a longtemps été un prolongement de l’impérialisme américain vis-à-vis d’Haïti. Une telle approche qui inclut des relations privilégiées avec les diplomates américains a renforcé les élites haïtiennes leur permettant d’agir en toute impunité. Ce comportement complice a provoqué la colère et la frustration de la population civile qui, lors de récentes manifestations, a ouvertement appelé à l’intervention de la Russie et à l’aide de Poutine en Haïti tout en rejetant l’aide américaine pour résoudre la crise.

Les efforts canadiens pour aider Haïti en sanctionnant les élites, en soutenant la Police Nationale d’Haïti et en fournissant une aide humanitaire sur le terrain sont considérablement bien accueillis par l’opinion publique. Cependant, on peut se demander si les sanctions seraient efficaces lorsque ces élites ont leur influence sur l’appareil gouvernemental, l’économie et le système financier. Une police haïtienne démoralisée sous l’autorité d’une justice domestiquée peut-elle résoudre cette crise sécuritaire sans envisager une opération militaire spéciale et les rôles d’Interpol FBI ? L’aide humanitaire pourrait-elle mettre Haïti sur la voie du développement et de l’industrialisation pour arrêter cette migration massive vers les frontières américano-mexicaines ? Le Canada peut-il aider les Haïtiens à faire face à la crise sans fin d’Haïti résultant d’un malaise historique d’injustice générationnelle et d’inégalité chronique entre les masses et les élites ?

Le peuple haïtien se sent encore trahi par un gouvernement illégitime incapable de répondre aux crises sécuritaires et économiques aggravées depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021. Vivre dans le pays est devenu insupportable en raison d’une forte augmentation des enlèvements et des crimes violents, d’une accélération de l’inflation et de l’insécurité. À ce stade, un programme complet et détaillé pour cette situation horrible qui a provoqué cette crise humanitaire sans précédent devrait être la priorité absolue de toute coalition nationale ou accord politique menant à des élections crédibles. Cependant, les motivations malveillantes et les intérêts sectoriels des acteurs traditionnels sont en effet un “panorama de déjà vu”, nous rappelant la période de transition catastrophique entre 2004 et 2016 qui a préparé le terrain pour la crise actuelle.

En perspective, le Premier ministre Trudeau devrait être conscient que la proposition consensuelle d’un gouvernement controversé et tout accord illusionniste des représentants des élites actuelles ne peuvent résoudre la crise haïtienne. La démocratie en Haïti est au point mort. Depuis que le mandat du dernier tiers du Sénat a expiré le 9 janvier de cette année, le pays n’a pas d’élu, un état de chaos que les acteurs actuels de la politique, des affaires et de la société civile ont créé. Impopulaire parmi les gardiens du système, mais c’est une excellente occasion pour la génération montante de refonder complètement la démocratie haïtienne sur de nouveaux piliers. Ainsi, ceux qui ont laissé tomber Haïti au cours des cinq dernières décennies ne peuvent plus devenir des censeurs, des donneurs de leçons ou des sauveurs pour les générations futures.

En effet, la démocratie haïtienne doit être refondée de toute urgence par un gouvernement de transition non partisan qui inspire confiance et crédibilité pour ouvrir la voie à une nouvelle constitution, un nouveau système politique et une nouvelle gouvernance économique pour Haïti. Il est temps que les voix et les plans stratégiques de personnalités honnêtes et compétentes des générations émergentes soient entendus et pris en compte pour proposer et établir une solution viable, innovante et durable avec une vision démocratique moderne pour les générations futures.

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