Jean-Baden Dubois au Grand Rendez-vous Économique : les points clés qui ont retenu notre attention
Au Grand Rendez-vous économique, le gouverneur de la Banque de la République d’Haïti (BRH) a expliqué que l’environnement économique est difficile, avec plusieurs zones contrôlées par des gangs armés empêchant la circulation des biens et des personnes. Cette situation néfaste depuis plusieurs années a considérablement réduit les activités économiques et contribué à l’effondrement de l’économie haïtienne.
Avec quatre années successives de contraction économique caractérisées par une chute spectaculaire des activités économiques entre 2019 et 2022, l’économie haïtienne est en dépression économique. L’inflation a atteint un niveau record et les gens ont de plus en plus de mal à se nourrir. Plus de la moitié de la population fait face à des difficultés alimentaires. Au cours de cette période, l’économie a chuté de plus de 2 % en moyenne par an.
« Nous sommes dans une dépression économique avec des déséquilibres internes et externes agissant sur l’inflation », a déclaré Jean Baden Dubois, Gouverneur de la Banque de la République d’Haïti.
Une dépression économique est une période de déclin brutal et soutenu de l’activité économique qui comprend généralement une croissance négative du produit intérieur brut et une augmentation substantielle du chômage et de la pauvreté.
S’il est difficile de savoir précisément combien de personnes sont tombées dans la pauvreté, près de 5 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire. Ce chiffre record représente près de la moitié du peuple haïtien. Il indique la gravité de la situation économique actuelle du pays et la façon dont la population s’est appauvrie.
Dans son entretien avec l’économiste Kesner Pharel, le gouverneur de la BRH, Jean Baden Dubois, a souligné deux déséquilibres qui affectent l’inflation et contribuent à la décroissance économique.
Du point de vue du déséquilibre interne, cela se traduit principalement par un financement monétaire, qui se traduit par des déficits budgétaires. « La création monétaire à partir du financement monétaire est certainement très nocive à l’économie », explique le gouverneur de la BRH. Il contribue à l’inflation et à la dépréciation de la monnaie.
En raison de la détérioration de l’environnement économique, le gouvernement perçoit moins d’impôts qu’il ne pourrait en percevoir dans une économie dynamique. En conséquence, le gouvernement compte de plus en plus sur le financement monétaire pour payer ses factures.
Il convient de noter que le financement monétaire est la pratique par laquelle la banque centrale crée de l’argent pour financer les dépenses publiques au lieu d’augmenter les impôts. L’augmentation de la création monétaire (croissance plus rapide de la masse monétaire) a créé un risque de pressions inflationnistes dans l’économie. Ainsi, la masse monétaire d’un pays contribue significativement à la survenue ou non de l’inflation.
Par exemple, les quatre dernières années se sont clôturées avec des financements monétaires exceptionnels, qui ont flotté entre 42,9 et 49,2 milliards de gourdes par an. En conséquence, la masse monétaire a augmenté de plus de 30 %. La monnaie en circulation est passée de 98 milliards de gourdes au début de l’exercice 2021-2022 à 128 milliards de gourdes à la fin de cette période.
Lorsque la masse monétaire croît plus vite que la production économique, ce qui est le cas en Haïti, la valeur de la monnaie baisse et génère de l’inflation. Au cours des trois derniers mois de 2022, la monnaie en circulation a déjà augmenté de 4 milliards de dollars. Ainsi, la valeur de la gourde va continuer à se détériorer, et l’inflation, qui a atteint 47,2 % en fin d’exercice, va continuer à s’envoler ainsi que le taux de change.
Instaurer la transparence et la gouvernance devrait résoudre la moitié de nos problèmes, a déclaré le gouverneur de la BRH. Ainsi, la banque centrale s’appuie sur la réglementation pour agir plus efficacement sur les facteurs de marché. De plus, une approche globale impliquant d’autres acteurs, y compris le ministère de l’Économie et des Finances, le ministère du Commerce et de l’Industrie et le ministère de la Planification, est nécessaire pour formaliser le marché.
D’autres déséquilibres comprennent le déséquilibre extérieur par rapport à la balance des paiements. Les importations de biens et de services ont dépassé les 5 milliards de dollars pour la première fois pour atteindre 5,4 milliards de dollars américains. Pendant ce temps, les exportations ne s’élèvent qu’à 1,35 milliard de dollars, soit quatre fois moins que les exportations. Ainsi la balance commerciale est déficitaire à plus de 4 milliards de dollars. Dans le même temps, les transferts sans contrepartie qui compensaient généralement largement ce déficit, ont diminué de 7 %.
Les envois de fonds, principale source de devises étrangères du pays, sont passés de 3,9 milliards de dollars l’an dernier à 3,7 milliards de dollars cette année. Dans le même temps, les transferts d’argent vers l’étranger ont augmenté par rapport à l’année précédente.
Concernant les investissements directs étrangers (IDE), Haïti n’a bénéficié d’aucun nouvel investissement. Le pays, fragilisé par une insécurité sans précédent, n’a bénéficié que des réinvestissements des deux leaders des télécommunications, à savoir la Natcom et la Digicel. Ces deux entreprises ont réinvesti 39,2 millions de dollars de leurs dividendes pour améliorer leurs réseaux. Pour illustrer à quel point cet investissement est faible, on peut le comparer aux IDE dans le pays voisin, qui ont reçu plus de 3 milliards de dollars l’année précédente.
Tels sont les points clés qui ont retenu notre attention lors de l’intervention du gouverneur de la banque centrale d’Haïti, Jean-Baden Dubois, lors du Grand Rendez-vous Économique avec Kesner Pharel sur Télé Métropole.