

Rubio rencontre le dirigeant de transition d’Haïti dans un contexte de pressions régionales croissantes
KINGSTON, JAMAÏQUE — 26 mars 2025 — Le secrétaire d’État américain Marco Rubio a rencontré aujourd’hui à Kingston, en Jamaïque, le président Fritz Alphonse Jean, membre du Conseil présidentiel de transition (CPT) d’Haïti. Washington intensifie ses efforts diplomatiques pour stabiliser son influence dans les Caraïbes, dans un contexte d’insécurité croissante en Haïti et de concurrence géopolitique croissante dans la région.
Cette rencontre s’inscrit dans un contexte d’escalade de la violence à Port-au-Prince, où des gangs criminels lourdement armés continuent de paralyser la vie quotidienne et de fragiliser les institutions gouvernementales fragiles. Le secrétaire Rubio a salué la Police nationale haïtienne et le personnel international qui soutient la Mission multinationale de soutien à la sécurité, qualifiant leurs efforts d’« extraordinaires » pour rétablir l’ordre public.
Le président du Conseil présidentiel de transition haïtien, Fritz Alphonse Jean, a déclaré que sa rencontre avec le secrétaire Rubio avait porté sur la menace croissante de la criminalité transnationale et son impact sur Haïti et les Caraïbes. Il a souligné que la crise haïtienne constitue une urgence sécuritaire régionale alimentée par des réseaux de trafic d’armes, de drogue et d’organes, et que des acteurs nationaux et internationaux exploitent cette instabilité. Jean a appelé à s’attaquer à la crise en amont.
Mais cette visite ne concernait pas uniquement la crise interne en Haïti. Elle reflète les calculs stratégiques plus larges des États-Unis, alors que des puissances rivales – notamment la Chine, la Russie et Cuba – étendent leur présence en Amérique latine et dans les Caraïbes.
Alors qu’Haïti est au bord de l’effondrement, la Chine a discrètement gagné en influence économique grâce à des investissements dans les infrastructures, au développement portuaire et à une diplomatie de soft power en Amérique latine. La Russie, quant à elle, continue de consolider ses liens avec des gouvernements et des acteurs non étatiques favorables, compliquant ainsi la domination traditionnelle de Washington dans l’hémisphère.
Dans les Caraïbes, la présence de Cuba – notamment par le biais de la diplomatie médicale et des missions humanitaires – contraste fortement avec celle des États-Unis, d’autant plus que les opérations de l’USAID dans la région connaissent des revers. Les médecins et les travailleurs humanitaires cubains comblent les lacunes laissées sur place, donnant à La Havane un nouvel atout auprès des pays vulnérables, dont Haïti.
Le Département d’État est conscient que l’inaction en Haïti pourrait ouvrir la voie à des puissances rivales désireuses de combler le vide. Les États-Unis sont également préoccupés par les potentielles poussées migratoires, l’instabilité régionale qui se propage aux pays voisins et l’exploitation par les réseaux criminels transnationaux de frontières fragiles.
La visite de Rubio a également des implications pour la politique américaine à l’égard du Venezuela, dont le gouvernement de Nicolás Maduro a trouvé des partenaires bienveillants à Moscou et à Pékin. Un Haïti affaibli pourrait offrir des corridors indirects ou une couverture politique aux acteurs pro-Venezueliens opérant dans la région.
Lors de sa rencontre avec Jean, Rubio a souligné l’importance d’une réponse unifiée du gouvernement haïtien à la violence criminelle organisée et a réaffirmé l’engagement de Washington à collaborer avec les autorités de transition. « La coordination au sein du gouvernement haïtien est essentielle », a-t-il déclaré, dans la lutte contre les gangs qui ont pratiquement supplanté l’autorité de l’État dans plusieurs quartiers clés de la capitale.
L’optique de cette réunion – qui s’est tenue non pas à Port-au-Prince mais en Jamaïque – souligne la gravité de la situation et la reconnaissance par Washington de la nécessité de rétablir la sécurité avant toute reprise de la diplomatie traditionnelle. Elle signale également une volonté américaine potentiellement plus agressive de réaffirmer son leadership dans les Caraïbes.
La réunion d’aujourd’hui, bien que présentée comme un geste bilatéral de soutien, pourrait bien rester dans les mémoires comme un élément d’un échiquier stratégique plus vaste, où Haïti ne représente pas seulement une préoccupation humanitaire, mais aussi un pivot géopolitique.