Haïti-Corruption : De la banalisation des normes à l’habitude et de l’habitude au vice
« Le mal le plus grave que fait la corruption, au point où elle en est venue, ce n’est pas de tirer injustement des derniers rangs de la foule pour les placer aux premiers rangs de la société, les moins capables et les moins dignes au préjudice des plus dignes et des plus capables ; ce n’est pas d’attirer la lie du fond du vase à la surface ; ce n’est pas même d’affaiblir le gouvernement et de le déconsidérer : non. Le mal le plus grave que fait la corruption, c’est d’égarer l’esprit public en détournant son attention des hautes questions et des grands intérêts, pour l’arrêter sur des misères et des turpitudes. »
(Émile de Girardin)
La corruption sous toutes ses formes, du détournement d’argent public au blanchiment d’argent, est l’un des problèmes les plus injustes et dangereux de notre époque. Elle nuit gravement à l’économie en freinant la création d’emplois et en entravant la prospérité. Elle renforce les extrémismes et facilite le financement du terrorisme, rendant notre pays plus dangereux encore. Elle dégrade la confiance dans nos forces de polices, nos tribunaux et nos représentants politiques, et endommage la justice et l’équité du pays. Elle n’entrave pas seulement l’économie, elle empêche les gens d’exploiter leur plein potentiel. La corruption détourne d’importantes ressources publiques des écoles, des hôpitaux et des autres services essentiels, enfermant ainsi des populations entières dans la pauvreté.
Selon l’OCDE, plus de 80 milliards de dollars changent de mains chaque année dans le monde du fait de la corruption […] Chez nous, en Haïti, pour bien mesurer la portée de la corruption, il suffit juste de tourner le regard vers les différents rapports internationaux publiés annuellement par les organismes chargés de régler cette question.
À chaque rapport, Haïti occupe toujours une place embarrassante.
BANALISATION DES NORMES
La corruption est banalisée en Haïti : elle relève du quotidien de la population et des entrepreneurs qui vivent avec et vont jusqu’à la considérer avec fatalisme comme partie intégrante de leur culture. Non seulement les décisions publiques et les règles officielles se négocient, mais bien souvent l’accès à un service public ou l’exercice d’un droit se monnayent également. Plusieurs mécanismes contribuent à diffuser et à banaliser les pratiques de corruption dans le pays. Les fonctionnaires qui refusent de jouer le jeu sont écartés des postes importants et les entrepreneurs qui s’y opposent se trouvent pénalisés par rapport à leurs concurrents. De plus, au fil des ans, il s’est formé une représentation de l’État où l’accès à la fonction publique est d’abord perçu comme le moyen le moins risqué pour s’enrichir rapidement ; ce qui contribue à ancrer dans les mentalités la « normalité » de la corruption. En fait, c’est l’environnement direct dans lequel évoluent l’agent public et l’agent privé qui va permettre et favoriser l’émergence de la corruption.
CORRUPTION ET SOUS-DEVELOPPEMENT
La condition de sous-développement même favorise la corruption. Les corrélations observées entre niveau de corruption et niveau de développement, souvent évoquées pour justifier les actions de lutte contre la corruption, révèlent aussi une causalité inverse : la corruption est favorisée par la condition de sous-développement.
Citons les mécanismes principaux !
Tout d’abord, le faible niveau des salaires dans la fonction publique pousse à la corruption et la tension qui existe entre l’offre et la demande de services publics génère davantage d’occasions de recourir à la corruption. Ensuite, les individus tendent à préférer une « carrière étatique » compte tenu du manque d’opportunités qui s’offrent dans le secteur privé. Enfin, le faible niveau d’éducation maintient les citoyens dans l’ignorance de leurs droits et ne leur permet pas de participer à la vie politique.
LES CONTRIBUTIONS À APPORTER
-Les associations issues de la société civile et les médias peuvent contribuer à l’émergence d’une volonté politique en dénonçant la corruption, en faisant pression sur le gouvernement et en contrôlant ses actions ;
-Le secteur privé peut également constituer un allié important. Il est en effet, dans l’intérêt d’une partie au moins du secteur privé d’opérer dans un environnement structuré où l’État à travers des institutions fortes réglemente et arbitre le jeu de la concurrence ;
-Les organisations internationales et régionales ont aussi un rôle politique important à jouer dans la mesure où elles peuvent servir de relais aux demandes exprimées par les sociétés civiles et permettre aux hommes politiques d’insérer des programmes de réformes difficiles dans un cadre de contraintes extérieures ;
-Enfin, les agences d’aide bilatérales peuvent participer à la lutte contre la corruption à travers des programmes de renforcement des capacités institutionnelles, mais aussi en appliquant systématiquement les principes recommandés de transparence et d’efficacité dans la gestion des projets soutenus.
9 ETAPES POUR REDUIRE LA CORRUPTION EN HAÏTI
La corruption ne peut être totalement éradiquée, car il n’existe pas encore de méthode suffisamment efficace pouvant emmener à sa destruction complète. D’ailleurs, cela n’existe dans aucun pays. Cependant, il y a des mesures préventives adéquates susceptibles de ralentir considérablement toute exagération qui pourrait se révéler comme un facteur nuisible au développement économique et social du pays.
-Le public devrait savoir qui détient et bénéficie des sociétés, trusts et autres entités légales ;
– Nous devons renforcer la régulation des secteurs tels que l’immobilier et le luxe pour empêcher qu’ils servent au blanchiment de l’argent de la corruption ;
-L’obligation des banques et des entreprises d’identifier leurs clients et de signaler les sociétés écrans ou les pratiques suspectes qu’elles découvrent devraient être renforcées ;
-Les entreprises qui achètent du pétrole, du gaz ou des minerais, ainsi que celles qui opèrent dans les secteurs de la défense ou du BTP (Bâtiments et Travaux Publics), devraient rendre public le détail de leurs paiements aux gouvernements projet par projet ;
-Les entreprises devraient révéler le montant des taxes qu’elles paient ;
-Le budget national devrait être mis en ligne et accessibles à tous les citoyens ;
-Une plus grande transparence, l’obligation de rendre des comptes et de respecter les normes, l’amélioration de la gestion des ressources humaines dans l’administration publique basée sur un système méritocratique sont autant de principes d’action qui, mis en œuvre, permettent son contrôle ;
-Les institutions de contrôle et de lutte contre la corruption doivent faire leur travail convenablement, et ceci, de façon technique et autonome ;
-La simplification et la rationalisation de l’intervention de l’État dans l’activité économique vont aussi de toute évidence réduire les opportunités de corruption.
Ces objectifs contribueront à créer une nouvelle norme internationale qui permettra de renforcer la lutte contre la corruption.
Détourner le regard n’est plus un choix possible ! Nous devons agir ensemble avec courage et ambition pour enfin mettre un terme à ce fléau et faire de ce pays un endroit plus juste.
Don Waty BATHELMY, Économiste, Blogueur.
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Références :
[1]. https://m.huffingtonpost.fr/…/lutte-corruption_b_9906868.ht…
[2].John Peter César, Ph. D.
[3]. OCDE